Jean-Claude Milner

Ancien Président du Collège international de philosophie et professeur de linguistique

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Les pièges du Tout – réflexion sur les penchants criminels de l’Europe démocratique

Séminaire

Année 2002-2003 : La pensée du Retour

Séance 1 : dimanche 19 janvier 2003

20h30
IEL (rue Rambam)

Séance 2 : lundi 20 janvier 2003

20h30
IEL (rue Rambam)

Séance 3 : mardi 21 janvier 2003

20h30
IEL (rue Rambam)

Séance 4 : mercredi 22 janvier 2003

20h30
IEL (rue Rambam)

Séance 5 : jeudi 23 janvier 2003

20h30
IEL (rue Rambam)

Résumé de Jean-Claude Milner :

La société européenne moderne se veut illimitée. Tout extérieur possible
est donc pensé par elle comme un problème. Il appartient alors aux
politiques d’en trouver la solution, sans hésiter, s’il le faut, à user de
la force armée. Tel est l’espace matériel et conceptuel où le nom de Juif est devenu au XIXe s. le nom d’un problème. Diverses, les solutions ont toutes un point
commun: elles tendent à l’extinction du problème. A cet égard, la « solution
définitive » (mal dite « solution finale ») de Hitler est seulement la mise en
oeuvre criminelle d’un paradigme issu d’une politique des Lumières.

Ce dispositif, né en 1815, ne prendra définitivement fin qu’en 1945. Sous
l’effet d’une victoire presqu’entièrement non-européenne, il s’effondre et
laisse progressivement place à ceci: 1) l’Europe n’est plus un lieu pour
les armes; 2) la question des armes étant devenue non-pertinente, la
gouvernementalité perd toute autonomie; elle n’a qu’une seule fonction;
refléter avec une fidélité illimitée la société illimitée; le nom de la
relation de reflet fidèle est « démocratie »; 3) l’Europe démocratique a
résolu tous les problèmes du XIXe s. Dans cette Europe, qui est celle que nous connaissons, le nom de Juif n’est plus licite: il ne peut plus nommer un problème, puisque ce serait un problème du XIX e s. Il ne peut plus nommer une solution, puisque la seule solution qui, au XXe s., ne ramène pas à Hitler, est la solution d’Israël.
Or cette solution suppose non seulement la possibilité de la guerre, mais
aussi la possibilité de la victoire. Mais il est essentiel à l’Europe que
la question des armes n’ait plus jamais à être posée d’aucune manière, et
surtout pas dans la distinction claire et distincte entre victoire et
défaite.
Conclusion: il y a place en Europe pour un antisémitisme de type nouveau; cet antisémitisme est propre à devenir un point d’unité entre les diverses couches de la société et les diverses nations du continent. Pour éclairer le parcours, le séminaire posera les questions suivantes :

-quels sont les fondements du paradigme problème-solution ?

-quels sont les rapports entre les deux figures du Tout: le Tout illimité et le Tout limité ?
-la constitution de la politique classique, depuis Aristote, comme théorie des touts limités;
-l’émergence moderne des touts illimités comme acteurs historiques;
-la statistique comme mathématisation des tous illimités: le Léviathan moderne est-il statistique ?

-le geste qui dit non au Léviathan statistique, et qui du même coup dit
qu’il y a un extérieur au socio-politique, est-il licite de le dire Juif ?