Cahiers d'études lévinassiennes n° 10
L’université
15 €
327 pages
Paru le 14 avril 2011
Présentation
L’Université
Luc Brisson, L’Académie platonicienne, première tentative d’institutionnalisation du savoir en Grèce antique.
Jean-Luc Evard, Martin Heidegger : l’Université dans tous ses états.
Gilles Hanus, Entre savoir et assimilation : Lévinas et l’Université.
Benny Lévy, L’énigme de la fidélité.
René Lévy, Critique de l’Université.
Jean-Claude Milner, De l’Université comme foule.
Patricio Penalver Gomez, Upsalon. Des avantages et des inconvénients de la philosophie en usage dans les universités.
Textes
Jean-Luc Evard, Présentation.
Franz Rosenzweig, Souffle de toute vie (édition trilingue français, allemand, hébreu par JL Evard)
Témoignage
Jacob Ouanounou
Études
Petar Bojanic, « Cet arrière-goût de violence » – On Violence against Violence.
Nicolas Servel, Lévinas interprète de Sein und Zeit dans « Martin Heidegger et l’ontologie ».
Face-à-face
Patrick Fabre, Être juif, difficile indépendance.
Recensions
Bibliographie
Présentation
À en croire Lévinas, l’Université serait l’incarnation de l’esprit occidental :
« L’esprit occidental auquel le juif s’est assimilé pour ne plus toucher que la surface du judaïsme, se définit, peut-être, par le refus de toute adhérence sans acte d’adhésion […] Il faut dès lors ne pas s’accepter spontanément et, par conséquent, commencer par prendre distance à l’égard de soi, se regarder du dehors, réfléchir sur soi ; se comparer aux autres, réduire donc cette identité personnelle qu’on est en autant d’indices, d’attributs, de contenus, de qualités, de valeurs ; s’analyser, se monnayer. L’institution qui incarne cet esprit se nomme Université. […] [Un juif occidental] se doit donc de tout redire en un langage qui est celui de l’Université. […] Au judaïsme de supporter ce langage, même s’il importait un jour de le parler contre la civilisation dont vit et que fait vivre l’Université. »(1)
C’est en Allemagne au XIXe siècle que judaïsme et Université se sont étroitement mêlés. Le nom de cette union ? Wissenschaft des Judentums. Son fondateur, Leopold Zunz, déclarait, rappelle Lévinas : « Le judaïsme est mort, mais nous allons lui faire de magnifiques funérailles. »(2) Rien d’étonnant, dès lors, si le retour au judaïsme d’un Rosenzweig implique la désertion d’une Université n’offrant d’autre vie que celle de fossile – car il s’agit d’un retour à la vie par le savoir et la pensée. Mais déserter l’Université ne signifie pas abandonner l’étude rigoureuse. Au contraire, c’est pour mener une telle étude que Franz Rosenzweig créa la « Libre maison d’études juive » (Freies jüdisches Lehrhaus), un nouveau cadre d’études à la hauteur de la « pensée nouvelle » qu’il appelait de ses voeux.
Qu’advient-il du savoir lorsqu’il s’institue ? Une telle institution est-elle nécessaire ? Et le cas échéant, de quelle nécessité est-il ici question ? L’Université constitue-t-elle la seule réponse à cette nécessité ? Y répond-elle adéquatement ? Offre-t-elle un lieu au déploiement du savoir ? Le protège-t-elle en lui permettant de se développer à l’abri des nécessités quotidiennes et sociales, en le soustrayant au pouvoir ? Ou bien la concentration du savoir dans l’espace universitaire, et son organisation en facultés et départements, en régions du savoir, en figent-elles les formes ?
En termes socratiques, la question pourrait prendre la forme suivante : que devient le savoir sans la maïeutique, sans l’érotique du dialogue ? Que devient la parole figée en École ? Le risque de l’institution du savoir, le risque de l’Université, de l’École, en ce sens, n’est-il pas celui de l’académisme ?
Parvenu à ses dix ans d’existence, l’Institut d’Études Lévinassiennes, qui n’est pas une institution universitaire mais qui n’a pas renoncé à être un espace d’étude et de pensée, et les Cahiers d’Études Lévinassiennes qui en sont l’émanation ne pouvaient manquer de se poser de telles questions, questions que nous vous invitons donc à méditer dans cette dixième livraison des Cahiers d’Études Lévinassiennes.
(1) LÉVINAS (Emmanuel), « Pièces d’identité », Difficile liberté, Le livre de poche,1984, p. 80.
(2) LÉVINAS (E.), « La pensée de Martin Buber et le judaïsme contemporain », Hors-sujet, Le livre de poche, 1997, p. 16. Il n’est pas certain que la phrase soit de Zunz ; de nombreux auteurs l’attribuent en effet à Moritz Steinschneider.